Haude BERNABÉ, sculptrice française, née en 1963 à Brest, vit et travaille à Paris. Au delà de la présence de ses oeuvres dans de nombreuses collections particulières en France et à l’étranger, dont la collection Cérès Franco d’art contemporain à Lagrasse et le futur musée F Michel de Montpellier, ce qui frappe chez cette sculptrice, est la force de sa création…
Faites de métal brut découpé, soudé, torturé, comme malaxé, les sculptures d’Haude Bernabé ont cette brutale présence du cri primal derrière lequel la composition mathématique n’est jamais loin. Un univers que l’on se dépêcherait de rapprocher des arts premiers mais qui bien au delà des clivages et des catégories est une démarche éminemment personnelle sans concession aux mode dans lequel l’intelligence intuitive et la réflexion constructiviste se mêlent étroitement.
Un vrai coup de cœur dans un paysage artistique actuel où la cosmétique l’emporte sur la puissance du projeté. Un paysage ou la sculpture « Fashionable » des apprentis Jeff Koons devient une norme à laquelle se conformer au risque d’être hors du coup. L’œuvre de la sculptrice nous rappelle qu’au delà des effets de mode et des « concept artists » La sculpture, sinon l’Art est affaire de Tripes, de vision, d’émotion et de vision, que cet ensemble est parfois beau comme un jour de printemps, parfois torturé, puissant comme une tempête en mer et que ces différents états en définissent le sens.
ENTRETIEN Haude BERNABÉ
Kossi Aguessy/ Peux tu nous raconter tes débuts?
Haude Bernabé/ Après des études scientifiques et une première vie en laboratoire, un jour, j’ai littéralement eu une prise de conscience : Celle du caractère limité dans le temps de la vie, de la préciosité de celle-ci, de la présence de la mort au bout et de la quasi obligation de ne pas gâcher cette vie la. Face à la nécessité de la création, un choix s’imposait, mettre à profit cette vie pour passer à l’action ou la subir telle qu’elle était à l’époque. Je parle de choix tout en ayant conscience que c’était presque un non choix. In fine, c’est simple, je devais le faire.
Le reste est une histoire construite de rencontres : En 1995, je participe à une petite exposition pendant laquelle un autre artiste me conseille une rencontre avec Cérès Franco, grande dame des Arts contemporain dont la collection rassemblait des artistes à la vision très forte. Je décide une visite impromptue à sa galerie, malheureusement, ce jour là elle n’y sera pas. Deux expositions plus tard, alors qu’entre temps, son nom me revient par le biais d’autres personnes, à Poitiers, lors d’une exposition présentant certaines pièces de sa collection, la rencontre finalement se fait. L’entente avec celle qui avait promu les membres du groupe artistique Cobra, est immédiate et le choc humain est réciproque. L’on peut dire qu’à partir de cette minute, j’avais trouvé mon mentor, ma mère spirituelle. Ce chemin à deux dure depuis lors, à travers de multiples expositions. Puis ce fut Albert Féraud, sculpteur féru d’inox, dont la rencontre me fait comprendre une autre façon de déployer le métal dans l’espace. Même si Albert est décédé depuis, l’impact de cette rencontre sur mon travail fut évident. L’on peut dire que se sont des chemins qui m’on menés vers une expression plus personnelle de mon art.
KA/ Quelle est ta vision de l’art contemporain et plus particulièrement de la sculpture aujourd’hui:
HB/ Immergée dans l’Art aujourd’hui, je me sens un peu anachronique. Comparée à la Peinture, la sculpture à toujours eu cette image un peu “artisanale ». Personnellement, cela ne me gêne pas. Cet anachronisme ressenti ne me gêne pas non plus, je ne me sens pas à créer ou à inscrire mon expression dans une mouvance uniquement parce qu’elle est la tendance du moment. Je tiens à garder mon Intégrité et l’honnêteté de ma démarche, même si l’envie est présente d’un développement de cette démarche vers d’autres médias, des installations par exemple. Et je suis prête à prendre des chemins de traverse, si cette fidélité à mes idéaux le nécessite. Ce n’est pas la gloire qui m’intéresse, mais la transmission d’un ressenti au public à travers ce que je peux fournir, le partage avec L’Autre. C’est la principale de mes préoccupations et quelque soit le medium, sculpture aujourd’hui, ou autre dans le futur, je tiens à la préserver.
KA/ Justement, parlons de cette démarche artistique tienne. S’il y en avait une, idéale que tu aimerais acter aujourd’hui quelle serait elle ?
HB/ Pour moi la démarche artistique idéale n’existe pas, à part une harmonie entre le coeur, la tête et les mains. C’est une sorte d’état de grâce, un moment particulier qui coule de source. Je ne me sens que le vecteur de cet état de vers un public. De ce fait toute démarche qui concrétise cette philosophie devient idéale. Même si j’aurai peut être aujourd’hui envie de la retrouver ailleurs qu’uniquement dans la sculpture. Ce que je cherche avant tout est l’insertion de l’humain dans mes oeuvres. La tour d’ivoire que peut être une vie d’artiste implique forcément que ces oeuvres deviennent un moyen de créer du rapport et un dialogue avec l’Autre.
KA/ Si je te dis Matériaux que me réponds tu?
HB/ Pour moi, un matériau est quelque chose qui a une forme et un passé sur lesquels je peux intervenir, qui peut se modifier. Que ce soit une pierre, un morceau de bois ou de fer, ou tout autre matériau, l’essentiel est son expression intrinsèque et ce que je peux en faire, plutôt que la nature de ce matériaux.
KA/ Si elle existe, quelle est ta pièce favorite, celle que tu considères la plus emblématique de ton œuvre ?
HB/ Cette pièce, la Fille de Saturne, existe, même si je ne l’ai plus en ma possession .Avant celle la, il y avait une pièce faite un été, et qui une fois terminée m’a donné cette impression d’être en fait un auto portrait. Je ne l’ai plus non plus en ma possession. Généralement, des œuvres avec un impact si fort sur mon psychè, sont presque des projections qui ont besoin de sortir de mon environnement pour laisser la place a à mon affect de passer à autre chose.
KA/ Quels sont tes projets à venir ?
HB/ Je fais rarement de projections sur une longue durée. Je fonctionne plutôt sur des moments, des déclencheurs qui m’emmènent sur des projets et des chemins nouveaux.
KA/ Tu parlais tout à l’heure de démarche artistique, es tu une artiste cognitive ou plutôt totalement dans l’instinct ?
HB/ Je suis dans les deux, j’ai deux formes de travail, L’un qui est lié à l’instinct animal, un état de grâce encore une fois qui n’a nul besoin de planification, ou de schémas. Puis il y a des œuvres qui demandent une manufacture, une planification, une réflexion Donc mon œuvre est le mélange des deux, cela dépend du moment, certains pendant lesquels les contraintes et la réflexion aident à avancer et d’autres où ma confiance est totale en l’instinct.
KA/ C’est bien ce que j’avais cru comprendre. Les belles choses ayant malheureusement une fin, je te remercie pour cet entretien et te laisse le conclure avec un dernier mot.
HB/ « Saisir la part de magie dans la vie », c’est une devise que j’essaye d’appliquer en volume, et s’il y avait une dernière phrase que je souhaiterai exprimer, c’est bien celle la.
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Haude Bernabé says
Merci infiniment Kossi